De la liberté de vivre dans la vérité (ou pourquoi le libéralisme n’a rien à voir avec le laisser faire)


article publié dans contrepoints le 8 Septembre 2011

«  Comment et dans quelle mesure l’obligation de vérité – le ‘s’obliger à la vérité’, le ‘s’obliger à la vérité et par le ‘dire-vrai’, dans quelle mesure cette obligation est-elle en même temps l’exercice de la liberté, … , et l’exercice le plus haut de la liberté ? »

Michel Foucault (Le gouvernement de soi et des autres Cours au collège de France, 1982-1983, leçon du 12 janvier 1983)



LA VIE DANS LA VÉRITÉ : UN BESOIN PROFONDEMMENT HUMAIN


Je crois que quand une personne de ma génération entend parler de vérité dans un contexte politique, elle le comprend dans un sens dogmatique, comme si vérité voulait dire « doxa », c’est-à-dire comme une vérité que l’on pourrait qualifier d’extérieure, à laquelle chacun de nous devrait se conformer. Vient en tête des images d’institutions comme l’église avec des sortes de prêtres aussi hargneux qu’ignorants et qui chercheraient à s’assurer que les âmes de leurs ouailles soient sauvées, que les déviations soient extirpées de leurs âmes pècheresses, etc.   Mais je pense que cette croyance en la vérité comme doxa est aussi à l’origine de l’arrogance, voire de la violence, de certains mouvements politiques qui au nom d’une soi-disant connaissance scientifique de la destinée des hommes (ou, plus récemment, de l’évolution thermique du monde), s’autorisent à qualifier les opposants de cette perception comme déviants.  

Mais la notion de vérité ne réfère pas nécessairement à la doxa et un superbe, autant qu’émouvant, exemple de cet autre sens du mot vérité nous est donné par Vaclav Havel qui, dans son essai politique fondamental, les pouvoir des sans pouvoirs (je souligne en passant que cet essai politique est l’un des plus fondamentaux de la seconde moitié du XXème siècle), parle de « vivre dans la vérité » comme le seul moyen de contestation politique qui soit possible sous le communisme soviétique et soviétisant (qu’il appelle des sociétés post totalitaires).

Vivre dans la vérité sous le communisme cela voulait dire organiser un concert de rock jouant la musique du Velvet underground de Lou Reed à Prague contre l’avis des autorités communistes, comme l’a fait le groupe The plastic people of the universe en 1977. On sait que c’est la révolte contre l’interdiction par les autorités de ce concert-là qui a provoqué le début du puissant mouvement dissident de la Charte 77 dont Vaclav Havel était l’un des fondateurs et leaders, mouvement qui lui-même a certainement contribué à délégitimer si ce n’est à participer au juste et nécessaire effondrement du système soviétique. 

Cette deuxième notion de vérité est donc intrinsèquement reliée à la vie. Mais je crois qu’il serait faux de l’entendre comme correspondant à un besoin d’expression d’une vérité qui ne correspondrait qu’a des circonstances personnelles. Elle n’implique pas nécessairement de tomber dans une espèce de relativisme, dans lequel chacun aurait « sa vérité », où chacun existerait dans la mesure où il s’exprime « spontanément » dans « sa différence ». Car dans ce relativise ce n’est plus la vérité qui est recherchée mais une sorte de culte de la différence pour la différence, une sorte de nihilisme des circonstances dans lequel une différence est acceptée dès lors où certaines circonstances l’auraient rendue son expression possible. 

Non la vérité est, en général, le fruit d’une recherche individuelle, aussi difficile que non directement déterminée par les circonstances, et qui, de ce fait, engage profondément l’être humain par la manière dont il la recherche et, ensuite, l’exprime publiquement.  Autrement dit, celui qui vit dans la vérité s’oblige à la vérité (pour reprendre l’expression de Foucault dans la citation donnée en exergue).

Un exemple instructif de  « vie dans la vérité » est celui du scientifique. L’on sait toute la difficulté, tous les efforts qu’implique la recherche de la vérité. Le chercheur scientifique est celui qui par son travail, lie publiquement sa personne, c’est-à-dire prend le risque d’associer publiquement son nom, de s’engager personnellement sur le sérieux de la recherche qu’il a entrepris pour expliquer certains phénomènes. L’engagement du chercheur n’est évidemment pas un gage de la vérité de l’explication proposée mais par contre c’est l’engagement de développer ou de réfuter une théorie scientifique en n’employant que des méthodes reproductibles par d’autres chercheurs. 

Et, ce faisant, le chercheur prend un risque qui est n’est pas celui de se tromper en défendant ou en attaquant une théorie, mais qui est celui de le faire en employant une méthode qui se révèlerait non reproductible par d’autres. C’est en ce sens qu’il vit dans la vérité : la vérité des moyens qu’il emploi pour sa recherche c’est leur reproductibilité. En publiant ses recherches, le chercheur s’oblige donc publiquement à une certaine rigueur et il doit faire très attention d’agir de façon que celle-ci soit la plus irréprochable possible.

Pour le dire plus prosaïquement le chercheur à une obligation de moyen pas de résultat. La conséquence c’est que la vérité scientifique ne peut être une vérité du résultat. Elle ne peut être qu’une vérité de méthode. La vérité que recherche la science est certes une. Mais comme elle ne peut être découverte qu’à travers un travail de recherche et de publication aux résultats incertains et progressif, elle s’exprime sous la forme de théories pour lesquelles des révisions de leurs circonstances d’application sont toujours possibles (référence Karl Popper Conjectures et réfutations), ces révisions étant justement la conséquence de la libre application de la méthode scientifique.

Et c’est d’ailleurs pour cela que la vérité scientifique ne peut pas être consensuelle. A l’heure où sévit une certaine forme d’écologisme dogmatique, il est politiquement important de le souligner : la vérité en science ne s’établit pas par un mécanisme de consensus majoritaire mais uniquement par un mécanisme de recherche et de publication, individuel ou interindividuel, qui exige en fait une certaine autonomie vis-à-vis de la politique et du dogme pour pouvoir être entrepris. 

Une très belle illustration de ce besoin d’autonomie vis-à-vis de la politique est donnée dans Vie et destin de Vassili Grossman ou l’on voit Victor Strum chercheur qui, parce qu’il a fait une découverte scientifique originale et imprévue par sa hiérarchie se voit quasi démis de ces fonctions après l’avoir publié. Et c’est là l’occasion pour Grossman de nous faire comprendre un nouveau type d’émotion humaine qui est peut être apparue avec le XXème siècle et qu’il appelle la « peur de l’état », qui n’est autre que la peur d’être considéré un membre indigne de la société au nom de critères politiques qui n’ont rien à voir avec ceux régissant la rigueur du raisonnement et la reproductibilité du travail scientifique publié.

L’exemple de la recherché scientifique illustre vient comment le fait de s’obliger à la vérité, la vie dans la liberté, est l’exercice le plus haut de la liberté. C’est, je pense, le sens de citation de Foucault donnée en exergue.

Nous vivons une époque ou la liberté est trop souvent caricaturée, où être libre ne pourrait que vouloir signifier exercer une sorte de « volonté déchainée », comme si l’être individuellement libre devait nécessairement être un individu indocile, ignorant, paresseux, velléitaire… Et cette vision est en retour utilisée pour justifier une logique de contrôle, si ce n’est de soumission des comportements à une morale collective qui viendrait redresser les « torts » causés par la liberté individuelle, voir même légitimer l’interdiction d’expressions dissidentes (comme on le voit dans le débat sur le réchauffement climatique).

Je crois au contraire que s’obliger à la vérité correspond à un besoin individuel profondément humain de construire et de donner de l’ordre et du sens à sa propre vie. La satisfaction de ce besoin n’est certainement pas opposée à l’auto discipline, l’acquisition de connaissance, l’action et la volonté constructive, bien au contraire.  

La préservation de la liberté de vivre dans la vérité, en tout lieu et à toute époque, me semble absolument essentielle.  Toutes les expériences politique du XXème siècle montre que le point de départ du totalitarisme est la contestation de cette liberté. En fait en choisissant de vivre de la vérité Vaclav Havel ne faisait pas seulement le choix « tactique » d’un moyen efficace de lutte contre les sociétés post totalitaires, il montrait que ce besoin individuel et profond de s’obliger à la vérité est, par définition, ce qui est la choses la plus scandaleuse et la plus inacceptable dans une société totalitaire.

LA VIE DANS LA VÉRITÉ AU COEUR DU LIBERALISME

Dans la première partie de cet article nous avons décrit une certaine forme de la liberté que l’on pourrait appeler  la liberté de vivre dans la vérité et qui répond à besoin profondément humain de s’obliger à la vérité.

Comme exemple de liberté de vivre dans la vérité nous avions donné l’exemple de la liberté scientifique. Et ceci nous avait permis de voir comment «s’obliger à la vérité et l’exercice le plus haut de la liberté» (1)  et que la préservation de la  liberté de vivre dans la vérité est absolument essentielle

Nous allons donner un second exemple de vie dans la vérité qui est celui de l’entrepreneur. Pour le comprendre je vais donner une définition de l’entrepreneur comme celui qui apporte publiquement des solutions aux besoins des autres. Le vaccin, l’automobile, l’avion, l’ordinateur sont tous des produits qui doivent leur succès au fait qu’ils répondent à des besoins fondamentaux. Bien sûr, nous pouvons en abuser (je pense à l’automobile notamment) mais cela ne veut pas dire que l’apparition de ces solutions n’a pas provoqué une libération essentielle de l’homme. La grande force qui a transformé le sort de l’humanité c’est justement cette liberté de proposer des solutions aux besoins des hommes. 

Mais quel est le rapport avec la vérité me direz-vous ? Je crois qu’elle est dans le fait que l’entrepreneur fait au moins deux hypothèses qui ont certainement besoin d’être vraies pour qu’il réussisse. La première porte sur la réalité de l’insatisfaction des besoins qu’il vise et la seconde sa capacité à y répondre par des solutions qui sont économiquement viables. En créant une entreprise, l’entrepreneur non seulement affirme publiquement la validité de ces deux hypothèses mais s’oblige à établir leur vérité puisque, évidemment, le seul moyen de les avérer est de les accomplir. Au risque de paraitre trivial, insistons sur le fait que ceci n’est jamais évident. Le risque de se tromper (en toute bonne foi d’ailleurs) sur l’un ou l’autre des deux hypothèses est intrinsèque à l’activité de l’entrepreneur. 

Autrement dit l’entrepreneur ne se contente de suggérer l’adéquation d’une solution à un problème, il s’oblige publiquement à répondre de façon économiquement viable à un besoin qu’il présuppose insatisfait, ce qui est bien différent. L’entrepreneur est celui qui par son action affirme « je crois qu’il est possible de répondre à tel besoin par telle solution et je vais prouver que c’est possible en le faisant». Le risque pris par l’entrepreneur n’est donc pas seulement celui de proposer une mauvaise solution mais celui d’engager publiquement sa vie, sa réputation, son énergie dans l’activité qui consiste à proposer et à rendre viable l’offre des solutions qu’il préconise. Il va aussi mobiliser des ressources humaines et financières. Il va devoir convaincre les autres au nom de ce qu’il pense vrai et ceci crée un risque pour lui qui est lourd. Et par toutes ces actions, il se lie personnellement à la vérité des hypothèses qui sous-tendent son entreprise. C’est en ce sens-là que lui aussi vit dans la vérité.

On voit ici un lien ténu s’établir entre vie dans la vérité et liberté (1) qui est au cœur du libéralisme. Il est de coutume, surtout depuis la crise de 2008, de critiquer le libéralisme comme une idéologie du « laissez faire ».  On voit ici que la notion de liberté à laquelle s’attache le libéralisme n’est pas tant le « laisser faire » mais celle de laisser les individus vivre dans la vérité, ce que je propose d’appeler la liberté de vivre dans la vérité. Cette dernière liberté correspond à pouvoir, si nécessaire, prendre le risque dénoncer publiquement non seulement les fruits d’un travail de vérité mais de pouvoir publiquement lier sa personne à ce travail, de pouvoir faire en sorte que ce travail soit le fruit d’un engagement à la fois personnel et publique à vivre pour la vérité et par la vérité.

Alors il est important de bien comprendre que le risque est inhérent à liberté de vivre dans la vérité. Le scientifique peut absolument se tromper et énoncer une interprétation des faits qui sera réfutée par ses pairs. L’entrepreneur peut échouer dans son entreprise. Dans les deux cas cet échec est parfaitement honorable et fait partie intégral de la prise de risque. Il n'en est pas moins personnellement coûteux. Et c'est ce qui fait que ce risque joue un rôle fondamental que l’on pourrait appeler « l’autorégulation  de la vie dans la vérité ». C'est le risque qui crée l’obligation de rester fidèle à la vérité que l’on s’est engagé d’atteindre. 

Si l’on diminue ce risque on autorise le "laisser-faire" justement. Si par exemple on permet au scientifique d’éviter le risque que ces théories soient réfutées, son obligation d’être le plus fidèle possible à la vérité disparait. De même si l’on diminue le risque pris par l’entrepreneur dans sa tentative de proposer une solution viable à des besoins insatisfaits, on ne fait que l’encourager à proposer soit des solutions qui visent des besoins déjà satisfaits, voir même de de faux besoins, soit des solutions économiquement non viables.  Autrement dit : le "laisser-faire" c’est ce, qui se produit quand on attenue la prise de risque de l’individu.

Pour conclure je voudrais de nouveau insister à quel point il est important de préserver la liberté de vivre dans la vérité car c’est cette liberté-là qui a rendu possible le formidable progrès matériel d’une partie toujours croissante de l’humanité et qui crée l’espoir qu’un jour toute l’humanité sera sortie de la pauvreté. Nous entrons dans une période où on peut commencer à douter de la capacité des états nations à jouer le rôle protecteur qu’ils prétendent avoir, il importe de savoir quel sont les institutions durables sur lesquelles l’humanité peut et pourra compter pour continuer son progrès matériel, voir même spirituel. Je crois, sans la moindre hésitation, que celles qui reposent sur le maintien et l’encouragement de la liberté de vivre dans la vérité en font partie ; la science et l’entrepreneuriat en étant, seulement, deux exemples.





Bruno Levy


PS: Tout ce texte m' a été inspiré par la création récente du Mouvement des Libéraux de Gauche (MLG) qui m'a rappelée une phrase prononcée par Jean François Revel dans l'émission droit d'auteur qu'il fit en 2000 avec Bernard Henry Levy et François Hourmant et qui dit: "La première condition pour être de gauche c’est de respecter la vérité". 

(1) Le philosophe Michel Foucault a très bien décrit la possibilité d’un lien fondamental entre vérité et liberté en redécouvrant, je pense même qu’on peut dire en réactualisant dans ses deux derniers cours au collège de France, Le gouvernement de soi et des autres et Le courage de la vérité , le concept de parrêsia que l’on pourrait définir comme l’engagement libre et courageux de vivre dans la vérité.


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© Tous droits réservés 2010 Bruno Levy

Commentaires

Anonyme a dit…
Je ne suis pas du tout d'accord avec ceci :

"Mais je crois qu’il serait faux de l’entendre comme correspondant à un besoin d’expression d’une vérité qui ne correspondrait qu’a des circonstances personnelles. Il est important de ne pas tomber dans une espèce de relativisme, dans lequel chacun aurait « sa vérité », où chacun existerait dans la mesure où il s’exprime « spontanément » dans « sa différence ». Car dans ce relativise ce n’est plus la vérité qui est recherchée mais une sorte de culte de la différence pour la différence, une sorte de nihilisme des circonstances dans lequel une différence est acceptée dès lors où certaines circonstances l’auraient rendue son expression possible."

Hormis évidemment pour les deux cas que vous citez : le "chercheur" et "l'entrepreneur" qui eux agissent "professionnellement" et doivent donc de ce fait obéïr à une "éthique professionnelle", je revendique en revanche comme un "DROIT INALIENABLE" pour le "citoyen lambda" à titre de loisir DE VIVRE DANS LE RELATIVISME ! Quel mal y a-t'il exprimer et même défendre "sa petite vérité dictée par des circonstances personnelles" tant qu'on ne gène pas les autres ? La libre expression personnelle est un droit "garanti par la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen" qui ne précise nullement que seule l'expression de "vérité" aurait droit de cité ! C'est bien pourquoi je déplore que la création littéraire relativiste est généralement refusé par les éditeurs et se voit obligée de s'acquitter des frais d'édition (édition appelée "à compte d'auteur") pour être publiée ! Une fois encore s'il est tout à fait normal d'avoir ce genre d'exigence envers des "professionnels", c'est porter atteinte à la liberté du "citoyen lambda" que de l'obliger au même exercice de recherche de la vérité !

Par conséquent je suis favorable au laissez-faire "intellectuel" (me montrant en revanche plus réticente envers le laissez-faire d'ordre "économique" !......).
Bruno Levy a dit…
Bonjour anonyme

Merci pour ce commentaire.

Cela dit vous êtes injuste avec moi puisque je crois que j'ai également mis les joueurs de rock comme exemple de personne qui vivent dans la vérité. :-)

Ceci est un post de blog pas un livre entier et donc il est difficile dans un format aussi restreint de prétendre anticiper tout ni prévenir mon propos contre toute mauvaise interprétation.

Mais je dirais ceci qui j’espère clarifiera mon propos (sans l’amender):

1) Le concept de « vie dans la vérité » est un concept inventé (ou en tout cas réactualisé) par Havel comme je l’ai explicitement dit dans le texte. Je n’en suis donc (heureusement) pas l’auteur ce qui me donne la prétention de croire que si j’y fais référence c’est pour m’emparer des conséquences logiques de sa signification.
2) En particulier il n’y a aucun doute que ce concept n’est nullement employé par Havel de façon normative. Pour être clair : il n'appartient à personne de dire à une autre s'il vit dans la vérité ou pas, ni même de lui interdire de vivre d’une certaine manière. C’est d’ailleurs pour cela que la vie dans la vérité a été un des concepts clés de la dissidence contre l’état socialiste (qui au contraire prétendait pouvoir décréter quels comportements individuels étaient normaux et quels comportement ne l’étaient pas)
3) Je me suis également suffisamment et explicitement démarqué de la vérité comme doxa pour que mon propos lui-même ne soit pas pris comme une glorification implicitement normative de certaines catégories professionnelles au dépend d’autres.

Permettez-moi par contre de souligner par contre tout ce qu’il y a d’explicitement normatif dans votre commentaire. Entre autre :

- La notion de « citoyen lambda » : il y aurait beaucoup à dire sur la vision statutaire et normative qui peut amener une personne à se sentir obligé de qualifier de lambda et d’ajouter des guillemets à l’expression de citoyen.
- La notion de « petite » vérité. Pourquoi certaines vérités devraient être « petites » pour être défendables ?
- La notion de « mal » (dans « Quel mal y a-t-il exprimer et même défendre »…). Mais personne ne dit que c’est mal ou que c’est bien de le faire et surtout pas mes propos.
- La notion d’éthique « professionnelle » (par opposition j’imagine à une éthique qui ne le serait pas). On sent dans vos propos, mais peut-être que je me trompe, une très forte réprobation du mot professionnel. J’en souligne le caractère fortement normatif.
- La notion de « revendication » : Revendiquer cela veut dire « réclamer ce qui est considéré comme revenant de droit, comme dû » C’est intéressant car cela traduit une vison statutaire des possibilités des hommes où leur droit ce limite à ce qu’ils ont pu revendiquer. Le droit comme norme en fait.
- L’opposition entre publication professionnelle et expression personnelle où dans un cas on devrait payer mais pas dans l’autre. Cela aussi revient à créer une norme : Pourquoi les éditeurs (ou quelqu’un d’autres d’ailleurs) devraient ils payer pour les frais de publication de toutes les œuvres ? Regardez ce que vous faite : en créant « droit à être publié» vous créez une obligation morale et normative à l’égard de tiers. Pourquoi les éditeurs devraient-ils être considérés comme coupables d’une « violation » (car c’est de cela qu’il s’agit) de droits quand ils n’exercent que leur libre jugement en refusant de publier un ouvrage?


Ce dernier point illustre parfaitement ce que j’entendais par « nihilisme des circonstances ». Derrière la volonté de gratuité de publication que vous revendiquez comme un « droit à la différence » (sans vouloir déformer vos propos), il n’y a que des obligations crées pour d’autres personnes à qui on nie leur droit d’exercer leur libre jugement.

Je l’affirme et c’est le sens de mon post: il est tout à fait possible de défendre la liberté individuelle sans recourir à une vision normative et statutaire de cette liberté en terme de droit. C’est l’une des choses que je trouve fascinant dans la notion de liberté de vivre dans la vérité.
Anonyme a dit…
(Début de ma réponse)

La mention des joueurs de rock ne m'a pas échappée ; mais vous vous dépêchez sitôt après de préciser que cet argument n'est « pas une raison pour se laisser tomber dans le relativisme », ce que j'ai donc pris assez naturellement, pardonnez-moi, pour une «limite » instaurée au détachement du dogme !.........

« La vision statutaire et normative qui peut amener une personne à se sentir obligé de qualifier de lambda »

Pas du tout ! Vous avez l'air de prendre mon propos comme un « rabaissement » de certaines personnes, ce qui est faux rassurez-vous puisque je me classe « moi-même dans cette catégorie » ! Je veux simplement rappeler la distinction (qui me semble bien être la « réalité » des choses) entre les deux principales catégories d'acteurs sociaux : ceux qui agissent dans la société en tant que « professionnels » (prendre ce terme au sens « large », ce sont bien sûr les différents « métiers rémunérés » mais auxquels j'adjoins « les élus politiques » et même les grandes associations ayant un gros poids sur les décisions nationales ») et qui effectivement répondent à des « obligations précises » qui leur sont « imposées par l'organisme auquel ils appartiennent et par les différents contrats et partenariats les liant à leurs semblables statutaires » et ceux qui agissent à titre de « loisir » (je n'arrive pas à trouver le mot qui colle le mieux........), c'est à dire « Monsieur et Madame N'importe qui » ayant envie de s'exprimer quand il souhaite sur ce qu'il souhaite et comme il le souhaite selon ses petites fantaisies. Et mon message est qu'il est « injuste d'imposer les mêmes obligations à cette seconde catégorie qu'à cette première », car cela rend de fait caduque la liberté d'expression de « tout citoyen » (qui est bel est bien un « droit » !) affirmé dans la DDHC.

« La notion de « petite » vérité. Pourquoi certaines vérités devraient être « petites » pour être défendables ? »

Vous ignorez donc le sens d'expressions « aussi courantes » que celles-ci ? « Petite » dans ce sens désigne à la fois une chose « très personnelle » et « à laquelle on tient beaucoup ». Par conséquent « ma petite vérité » est synonyme de « ce que je crois très personnellement et dont je ne veux démordre » (de la même manière qu'on parle couramment de son « petit confort » : c'est celui « dont on ne peut se passer ». Il peut s'agir d'un confort de base tout autant que d'un hyper confort de luxe ) !


« On sent dans vos propos, mais peut-être que je me trompe, une très forte réprobation du mot professionnel. »

Ah oui, vous vous trompez totalement ! Comme je l'ai expliqué plus haut je veux seulement « distinguer ce qui est réalisé à titre professionnel de ce qui est réalisé à titre de loisir ».

« Cela traduit une vison statutaire des possibilités des hommes où leur droit ce limite à ce qu’ils ont pu revendiquer. Le droit comme norme en fait. »

Mais là encore ça n'est que « la pure réalité des choses » !..........Notre République (seul système garant des libertés) serait-elle née d'un quelconque « phénomène spontané » ? Ou de la « bonté des rois de notre Ancien Régime qui aurait tout à coup réalisé que leurs sujets avaient besoin de libertés qu'il devenait urgent de leur accorder » ? Ces « libertés de l'Homme et du citoyen », il nous a bien fallu les « conquérir », et de « haute lutte », au prix de nombre de morts sanguinaires !.............Elles sont donc bien uniquement le produit d'une « revendication » et même beaucoup plus que cela, ce mot est même trop faible !............
Anonyme a dit…
(Deuxième partie de ma réponse)

« En créant un « droit à être publié» vous créez une obligation morale et normative à l’égard de tiers. »

Obligation une fois de plus « clairement affirmée dans la DDHC ». Ce « filtrage au niveau privé » est bien là « le dilemme de la liberté d'expression » : s'il s'agit « vraiment » d'une liberté, elle ne devrait « en théorie » rencontrer aucun barrage ! Car si un éditeur revendique le droit d'exercer sa capacité de jugement, il n'a qu'à tout simplement « devenir lui-même auteur » et il pourra alors écrire ce qu'il lui semble digne d'être publié et « l'auto-éditer » avec son capital personnel ! Cela dit je comprends parfaitement la difficulté de mettre cette théorie en pratique car il s'agit en réalité d'un problème « exclusivement économique » : si un éditeur reçoit à la candidature « un nombre d'oeuvres supérieur à la disponibilité du budget de son entreprise », il ne peut évidemment prendre ce « risque économique » et se voit de fait contraint au choix ! De la même manière que dans tous les autres domaines marchands : si pour mettre en pratique le « droit à l'existence de tout citoyen » (c'est à dire le droit de « manger », qui est « aussi un droit affirmé dans la DDHC », contrairement à l'affirmation de beaucoup de libéraux !) les boulangers et charcutiers se mettaient à fournir gratuitement leur marchandise aux plus pauvres, ils mettraient sitôt la clef sous la porte !.............Mais la société a un jour réglé ce problème-là en mettant en place une série d'aides regroupées sous le terme général de « social » : ainsi ils n'appartient pas aux commerçants par des actes de générosité qu'ils ne peuvent se permettre d'assurer le droit à la vie des incapables au travail (ou malchanceux sur le marché de l'emploi) mais à la « sphère publique » (Etat et collectivités). Mais concernant la liberté d'expression (pourtant considérée comme « aussi fondamentale à l'être humain ») rien n'est fait : sans l'aval d'un éditeur il faut « payer la publication de son ouvrage » et seuls les « riches » disposent des moyens pour ce faire ! Et (libérale moi aussi !) je ne préconise pas de régler de la même manière ce problème-là, car à l'évidence l'Etat ne peut pas tout (dans ce cas précis son intervention serait beaucoup trop coûteuse.........) et ne « doit pas » tout : il appartient aux « éditeurs » de faire preuve de davantage de tolérance en ne refusant pas de manière « systématique » l'écriture hors norme ! J'ai un brin d'espoir : les choses sont « peut-être en train de commencer à changer » (les mentalités évoluent mais « tellement lentement » !.......) : l'IRREFL, dont je vous invite à visiter le site : http://fous-litteraires.over-blog.com/ émet l'idée d'ouvrir une maison d'édition pour ceux « qui ne trouvent preneur nulle part ». Mais là encore cela dépendra du niveau de « subvention » accordée à cette association (qui pour l'instant n'en perçoit aucune) : tout est affaire d'argent !............
Anonyme a dit…
(Dernière partie de ma réponse)

« Il est tout à fait possible de défendre la liberté individuelle sans recourir à une vision normative et statutaire de cette liberté en terme de droit. »

Et bien « telle n'est pas ma pensée ». Ou plutôt le seul fait de la « défendre » ne la « garantit » nullement ! C'est là ce qui fait la différence entre le « libéral » (classique) qui ne croit pas en la capacité de la liberté à « s'auto-garantir » et croit en la nécessité d'un « Etat minimal » garantissant au moins les libertés individuelles énoncées dans un « texte souverain » (appelée généralement Constitution) ; et « l'anarchiste ou anar-capitaliste » qui lui, « abolisseur de l'Etat », est convaincue que la liberté individuelle n'a nul besoin d'un garant supérieur pour s'exercer « spontanément ».

(Veuillez excusez la "longueur" de ce commentaire. Il m'a semblé indispensable de "clarifier" au maximum ma pensée, chose qui n'est pas toujours simple à faire en peu de mots.....).
Bruno Levy a dit…
Chère Déborah merci pour vos nouveaux commentaires. après les avoir lu je dirai trois choses brèves:
- votre séparation des personnes en deux "catégories" est une parfaite illustration de ce que j'entends par vision statutaire. Je ne doute pas que vous voyez la réalité comme cela et que vous ne cherchez pas à "rabaisser" les gens, mais cela ne veut pas dire que cela ne soit pas une vision statutaire (ou catégorielle si vous voulez).
- votre propos "Mais la société a un jour réglé ce problème-là en mettant en place une série d'aides regroupées sous le terme général de « social » : ainsi ils n'appartient pas aux commerçants par des actes de générosité qu'ils ne peuvent se permettre d'assurer le droit à la vie des incapables au travail (ou malchanceux sur le marché de l'emploi) mais à la « sphère publique » (Etat et collectivités)."
Je pense que ce recours au "social comme remède à la malchance a échoué. Elle n'a de plus rien d''original : cela fait au moins depuis Giscard que la république essaye de la mettre en place et cela ne marche pas, car cela repose sur une vision erronée de l'homme et des ses possibilités. C'est

- je pense que l'opposition entre libéralisme et anarchisme est plus complexe que la manière dont vous la décrivez et que la conséquence de ce que je dis n'est pas l'anarchisme. Mais c'est une très longue histoire. Heureusement le monde n'est pas nécessairement comme nos parents nous l'ont enseigné...
L'article est très bon mais, est-il vraiment nécessaire de condamner le mot "laissez-faire" parce qu'il n'est pas spontanément associé à "responsabilité".

Affirmer que l'on puisse être "libre" sans être "responsable" serait nécessairement une contradiction dans les termes, puisque cette proposition n'est pas universalisable.
Ce serait affirmer que l'un pourrait être libre tout en étant responsable de fait des actes néfastes des autres.

C'est un fait qu'il nous faut tjr rappeler puisqu'il n'existe pas de mot qui contienne les deux notions.

Ainsi, sur la bannière du site de http://Turgot.org , j'ai tenu à mettre les deux termes avec "responsabilité" en premier.
Bruno Levy a dit…
@l'ami du laisser-faire
Même si historiquement l’expression « laisser faire » voulait dire laisser libre, je crois qu’il est indéniable qu’elle a pris de nos jours une connotation franchement négative et est souvent utilisée pour caricaturer le libéralisme.

Autrement dit si ce concept est « condamné » c’est plus le fait de l’opinion générale que celui de ma propre (et modeste) personne. :-).

Par ailleurs je pense que ce qui se passe lorsqu’on attribue publiquement des libertés aux gens sans leur donner la responsabilité de l’exercice de ces libertés correspond assez bien au sens actuel de l'expression "laisser faire".

Donc, à mon sens, on est dans une situation où non seulement le mot "laissez-faire" n'est pas "spontanément associé à responsabilité" mais est même associé à irresponsabilité.

Bref pour toutes ces raisons je ne vois pas l'intérêt de défendre ce concept.

Un dernier commentaire sur quand vous dites "'il n'existe pas de mot qui contienne les deux notions (de liberté et de responsabilité)". C'est un vrai problème. Je reviendrai sur ce point dans un prochain post qui j'espère vous intéressera